Les Malédictions 1 - Le Rond des Sorciers + Marie la Louve + La Malvenue + Le Diable en Sabots by Claude Seignolle

Les Malédictions 1 - Le Rond des Sorciers + Marie la Louve + La Malvenue + Le Diable en Sabots by Claude Seignolle

Auteur:Claude Seignolle [Seignolle,Claude]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
Éditeur: Phébus libretto
Publié: 2016-12-18T00:00:00+00:00


II

… Le crépuscule se ferme lentement sur le labour. Il durcit peu à peu la brumaille de novembre qui vient du ciel et sort de terre. Moarc’h tient à pleines mains les mancherons de sa charrue. Par moments, il se redresse pour chasser le poids du labeur posé sur ses reins comme un sac de farine mal équilibré. Ses pieds se tordent comme se tord la terre mère découpée par le soc. À chaque écart de l’attelage, il jure contre les bœufs, contre son impatience et contre la nuit proche. Arrivé en tête du sillon, il mesure de l’œil le chemin qui lui reste à parcourir pour venir à bout de ce champ neuf si mal placé, affalé sur cette méchante pente, entre le bois et le marais. Il veut en finir avec ce travail qui le tient là depuis le petit matin. Il pourrait arrêter le labour à la limite des terres solides et se dire heureux. Heureux d’avoir repris ce bien nouveau sur la lande, hier encore stérile et sur le bois de la Croule aux racines crochées dans le sol depuis des siècles. Mais il veut plus. Vingt sillons peuvent être gagnés en sol neuf aux dépens de ce trou d’eau croupie ; de cette Malnoue perdue au milieu des joncs et des herbes grasses. Vingt sillons qui peuvent lui faire risquer le pire. Sa tête travaille aussi à imaginer le balancement de longs cous d’herbe dorée, portant tête à grains. Et son désir de ne déjà rien perdre repousse le risque comme ses yeux cherchent à repousser le crépuscule. Il fait entrer l’attelage docile dans l’abord du marais. Les bêtes ne s’enfoncent pas dans ce sol qu’il croyait plus mouvant. C’est à peine si la charrue mord davantage. Sans bruit, l’acier couche la terre compacte. Une forte odeur d’argile monte du sol éventré.

Maintenant que semble avoir disparu la difficulté qu’il redoutait, Moarc’h encourage les bœufs. Il va jusqu’à fredonner une musique qui active leur cadence. Il sait comment charmer les bêtes : un sifflement court et des sons mélodieux, lancés justes, suffisent. Ses yeux ne quittent pas les pattes qui crochent dans le sol couvert de touffes de joncs et d’herbes vivaces. Tout en allant, le fermier de la Noue pense à la bêtise du défunt beau-père, à celle des autres aussi qui, avant lui, n’ont jamais osé porter le soc dans cette terre redoutée. Tout ça parce qu’aux veillées, on racontait que le marais et ses bords étaient maudits. Mille et mille bêtises… beaucoup trop pour un peu d’eau et de boue. Un sourire déplace les rides précoces qui creusent son visage osseux et carré de Celte, barré d’une courte moustache noire, taillée sans soin. Mais, petit à petit, son esprit se tend. Il éprouve le besoin de dissiper les idées qui se forment malgré lui dans sa tête. Il enlève sa casquette fripée par les pluies, raidie par la crasse. La peau de son crâne à moitié chauve est blanche ; elle semble posée



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